Nous connaissons tous la remarquable carrière de Patrick, à Antony, au parlement et en tant que ministre.
Nous connaissons tous son audace et son courage lorsqu’il s’engageait pour défendre son histoire : celle de sa famille, celle de tous les arméniens; ce fut la défense des jeunes combattants qu’on disait terroristes, ce fut le combat de la reconnaissance du génocide.
J’ai eu la chance de le connaitre et de travailler avec lui à partir de 2008, lorsqu’il a lancé l’appel d’offre du département des Hauts de Seine pour un projet de lutte contre la malnutrition en Arménie. J’ai eu aussi la chance de l’accompagner lors de trois voyages dans le Tavoush.
Ce dimanche 29 Mars, à l’annonce de son décès, outre les larmes qui m’ont envahi comme beaucoup d’autres, les souvenirs, les anecdotes, les sentiments de révolte se sont bousculés dans mon esprit.
Il était un grand homme !
Il disait que son ministère préféré avait été le ministère de la Relance : car quand la crise financière de 2008 est arrivée, il disposait d’un budget qui permettait de débloquer des projets culturels dans toute la France (rénovations d’église, aménagements de musées , etc…) ; l’homme de culture qu’il était, y a pris tant de plaisir….!
Il justifiait ainsi le projet du Tavoush : lui, le patron de La Défense, ce monstre de modernité, il disait qu’un pays doit avant tout nourrir sa population et que l’agriculture, le développement du monde agricole, était une priorité … pour le Cambodge, Haïti, le Bénin mais aussi pour la petit Arménie enclavée. Et il rajoutait avec pertinence, parce qu’il s’intéressait à tout, que les projets agricoles ne pouvaient réussir que sur le très long terme et que donc le département serait là pour soutenir les 4 projets sur le très long terme.
Quand je lui disais que le projet était difficile et qu’avec regret nous ne réussissions le programme, malgré nos efforts, qu’à 70 à 80 %, il me disait que s’il avait réussi tous ses projets en tant que Maire et Président des Hauts de Seine à ce niveau, il en aurait été ravi.
Et ses équipes renchérissaient discrètement en nous disant qu’il était un fantastique manager et gérait le département, avec bien entendu du talent politique, mais en vrai chef d’entreprise, avec toute la rigueur possible. Ils disaient la joie qu’ils avaient à travailler avec lui dans cet état d’esprit de conquête de chaque instant.
Et il savait naïvement s’émerveiller : lors du voyage de 2010, où nous avions restauré et allongé les canaux d’irrigation de Ditavan, au bord des larmes, il admirait avec émotion ce vieux paysan qui avec sa pioche ouvrait un sillon pour permettre à l’eau d’envahir les plants de son champ de tabac.
Tout au long des voyages, les nouvelles idées germaient à tout moment; et pendant des années il nous a bousculé sur 2 projets que nous n’avions pas les moyens ou le temps de rajouter au programme :
- à la sortie du tunnel de Dilijan, devant la beauté des forêts du Tavoush, c’était : » il faut planter de nouvelles espèces régénérer les forêts et monter une scierie ! «
- devant les étals de viande qui pendaient au marché d’Idjevan, c’était : » il faut apprendre aux arméniens à être de bons bouchers ! «
Lors du dernier voyage de 2018, lors du sommet de la francophonie, 2 moments particuliers me reviennent.
Sa joie du lancement d’un projet de fouilles archéologiques soutenu par les Hauts de Seine, pour les 10 années à venir sur les hauteurs d’Idjevan : il s’agit d’un site de l’âge de bronze datant de 5 000 ans.
Son émotion, tandis que le concert de la place de la République résonnait, lorsque l’un des 4 combattants de 1981 lui tombait dans les bras.
Patrick Dévedjian, c’était aussi tout cela !
Le Dimanche 29 mars nous étions abattus. Nous nous sommes appelés avec les équipes des Hauts de Seine et nous sommes promis : on relèvera le défi, pour Patrick, en sa mémoire…
Michel Pazoumian
Vice Président délégué Fonds Arménien de France
Membre fondateur du G2IA
(Crédit photo : Max Sisvalian)